Il va, ainsi, définir une physiologie de « l’inconstance » qui s’oppose à celle de la fixité du milieu intérieur de Claude Bernard ou de l’homéostasie de Walter Cannon. Il s’agit d’ « un état central fluctuant » soumis sans cesse à des variations physiologiques ou psychologiques. Ces écarts suscitent des « drives » ou pulsions motivationnelles (soif, faim, désir sexuel…) qui s’extériorisent par des séquences motrices correctrices.
Il n’aura de cesse de décrypter les bases neuronales des grands comportements : boisson reproduction, sommeil ou de grandes fonctions : olfaction, mémoire mais en les liant à la motivation et aux émotions. A cette fin il usera d’un constant « va et vient » entre le normal et le pathologique en s’appuyant sur des approches très intégratives mais aussi sur des modèles simplifiés. Cette vision contribuera au développement des neurosciences à Bordeaux. Il y a créé une véritable école où cohabitent scientifiques et médecins. Plusieurs de ses élèves ont dirigé ou dirigent des formations INSERM ou CNRS. Cette capacité à bâtir, il l’instillera au Laboratoire de Gif sur Yvette et aussi comme Président du Conseil de Département des sciences de la vie du CNRS.
Autre aspect de sa singularité celle d’écrire pour expliquer le fonctionnement de notre cerveau, celui de nos émotions, de nos sentiments. En 1986, sa « Biologie des passions » rencontre un énorme succès. A une vision sèche et désincarnée d’un cerveau-ordinateur, il oppose un cerveau humidifié par les humeurs que sont les hormones. C’est de ce « cerveau de chair » qu’émergeront désir, plaisir et douleur ou sexe, amour et pouvoir… De nombreux autre essais ou livres suivront : La chair et le diable, Voyage au centre du cerveau, La vie est une fable, Eve épouse Adam, Casanova, la contagion du plaisir, Biologie du couple, Le sexe expliqué à ma fille, Biologie du pouvoir, Le cerveau sur mesure, Pour une nouvelle physiologie du goût, La dispute sur le vivant…
Tous ces ouvrages recèlent la même volonté de disséquer, souvent de façon métaphorique et en mêlant physiologie, littérature et philosophie, les états de notre psychisme. Cette force se retrouvera dans les émissions de diffusion des sciences qu’il animait sur France Culture. Ces qualités pédagogiques l’amèneront à siéger au Conseil National des Programmes qu’il présidera plusieurs années.
Jean-Didier Vincent, personnalité créative et provocatrice, aimant la bonne chair et profondément humaniste était membre de l’Académie Nationale de Médecine, de l’Académie des Sciences et de nombreuses sociétés savantes internationales. Il était Officier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur et Commandeur dans l’Ordre des Palmes Académiques.
Bernard Bioulac
Professeur Émérite, Université Bordeaux
Membre de l’Académie Nationale de Médecine